Sou Bou Tei

Le manoir des horreurs

Bonjour à tous ! Dans le dernier article, je parlais du fait que j’allais évoquer sous peu le prochain manga de Kazuhiro Fujita à sortir chez nous. Je n’ai pas menti ! Ce mois-ci marque l’arrivée de sa dernière série longue en date, et il est donc vital pour moi de vous en parler. Finissez vos dessins, armez-vous d’une lampe torche dans un groupe d’exploration soudé, car nous partons en direction de la maison des horreurs, celle à détruire absolument, avec « Sou Bou Tei » !

Présentation

Sou Bou Tei, nommé au Japon « SouBouTei Kowasubeshi! » traduit par « SouBouTei Must Be Destroyed! » en anglais, est un manga dessiné et scénarisé par Kazuhiro Fujita (Karakuri Circus, Moonlight Act, …) au sein du Weekly Shonen Sunday (Détective Conan, Frieren, …) de l’éditeur Shogakukan. Publié de mars 2016 et terminé durant l’été 2021, la série comptabilise un total de 25 tomes pour 5 ans de publication hebdomadaire.

« Le Sou Bou Tei doit être détruit »

Tsutomu Takoha est un artiste peintre. Il espère pouvoir publier ses œuvres dans un recueil mais son style ne plait à aucun éditeur. Proche de chez lui, existe une résidence que l’on dit hanté : le Sou Bou Tei
Ce manoir imposant se dresse avec orgueil dans le bourg de Numanakarai, à Tokyo… À l’intérieur, les ténèbres sont là pour accueillir d’imprudents visiteurs… Et si jamais elles les engloutissent, jamais plus il ne seront les mêmes !

Cette résidence va être habité par un enfant, Rokurou, avec qui Tsutomu va très vite s’entendre, et son père, qui viennent juste d’emménager. Cependant, le soir venu, Tsutomu retrouve la maison en flamme et Rokurou blessé et traumatisé, affirmant que son père a été dévoré. Ce n’est alors que le début d’une série d’événements surnaturels prenant toujours plus d’ampleur. Suite à cette nuit, et poussés par la rancœur, un groupe d’individus se réunit, attiré jusque devant son portail. Leur but : détruire Sou Bou Tei !

teaser vidéo du manga par d’éditeur

Fort d’une bonne popularité grâce à la renommé de son mangaka et de ses qualités narratives et visuelles indéniables, Sou Bou Tei est une des œuvres les plus uniques de son créateur. À mi-chemin entre l’horreur cosmique de Lovecraft et la quête de protection du monde des nekketsu, Sou Bou Tei se veut comme un véritable ovni parmi les shonen populaire de son temps. Une nouvelle preuve que son mangaka, Kazuhiro Fujita, n’a pas fini de surprendre les lecteurs avec des manga ressemblant à aucun autre !

Mon avis sur l’œuvre

Sou Bou Tei est, pour moi, l’œuvre à long terme la plus à part de la bibliographie de Kazuhiro Fujita. Après avoir prouvé à maintes reprise son génie narratif et sa maîtrise des codes de son genre, tout en s’adonnant à des histoires toujours uniques, Fujita s’attaque à une nouvelle corde à son arc. Pour autant, vous vous en doutez, cette œuvre est une immense réussite, comme à l’accoutumé avec cet auteur. Avec beaucoup d’actions, un climat horrifique très réussi et des personnages toujours aussi haut en couleur, Sou Bou Tei est la preuve formel que ce mangaka n’est pas le maître d’un seul genre, mais est capable sans problème de totalement renversé ses habitudes pour créer une œuvre possédant les mêmes richesses narratives que ses prédécesseur tout en se démarquant totalement de ses anciens travaux.

Concrètement, qu’est-ce qui change tant entre Sou Bou Tei et le reste de sa bibliographie ? Beaucoup de paramètres sont à prendre en compte. Déjà, le lieu d’action est à l’opposée de ce que l’auteur avait l’habitude de faire. Habitué à nous faire voyager à travers le monde au sein de ses anciens manga, notamment avec Karakuri Circus où chaque action se passe sur un pan du monde différent, Sou Bou Tei a la particularité de se passer au même endroit pendant la quasi-totalité de son manga. Nous ne parcourons pas le monde, les régions ou même les mondes imaginaires durant les différents arcs narratifs, car hormis les flashback tout est centré au même endroit. Autre fait à lié à cette particularité du lieu, c’est la temporalité du manga qui est unique en son genre.
En Effet, les 25 tomes qui composent l’intégralité du manga se passe sur une poignée de jour. Le temps avance à un rythme beaucoup plus lent que dans un manga classique, ce qui renforce ce côté urgent et paranoïaque, par l’impression que rien de tout cela ne pourra un jour se finir. Il est d’ailleurs terrifiant de voir tout ce qu’ont vécu les personnages en une poignée de jour. Autre paramètre à prendre en compte, c’est que la dimension temporel de l’œuvre va être particulièrement chamboulé par la suite du manga. Je ne développerai cependant pas plus ce point pour le moment pour éviter les spoils, gardez seulement à l’esprit et le temps est une thématique forte du manga.

Autre point assez unique du manga justement, c’est évidemment les thématiques proposées par celui-ci. Le côté folklorique de Sou Bou Tei n’était pas apparu chez Fujita depuis Ushio & Tora datant de presque 30 ans maintenant, et l’horreur est beaucoup plus lié à ses travaux court tels que les Black Museum qu’à ses séries longues. D’ailleurs, l’œuvre dont se rapproche le plus Sou Bou Tei selon moi parmi la bibliographie du mangaka est son One-Shot « The Wicked Eyes Fly to the Full Moon« , inédit en France. Un One-Shot où on retrouve folklore horrifique, groupe anti-menace, temporalité courte et lieu d’action au sein d’une préfecture du Japon amovible. Au final, le style de Sou Bou Tei se rapproche beaucoup plus des histoires à court terme de Kazuhiro Fujita. S’être décidé à lancer ce style dans une série longue était un excellent moyen de mêler toutes les thématiques de Kazuhiro Fujita dans une seule et même œuvre. C’est ce qui, selon moi, rend Sou Bou Tei si particulier dans les travaux de cet auteur. Alliant tous les points positifs et ravissant tous les fans du mangaka, Sou Bou Tei est à la fois la porte d’entrée la plus complète à l’univers de Kazuhiro Fujita, tout en étant sa plus décalé avec le reste de ses longs travaux. Maintenant que j’ai parlé d’un avis global sur cette œuvre, laissez-moi rentrer plus en détail dans ce chef d’œuvre dans les parties suivantes, en commençant par, coutume de l’auteur, la grandeur de son scénario !

Le manoir : l’envers du décor

Comme habituellement avec ce mangaka, rien n’est laissé au hasard dès le début du récit. Il est coutume pour cet auteur de disséminer pleins d’indices dès le début de son histoire, pour entrevoir les clés de du scénario et faire les connexions par la suite du récit. Bien qu’on ne s’attende pas à la dimension que va prendre l’histoire, il faut avouer que le premier chapitre de Sou Bou Tei est, de loin, le début le plus mystérieux de tous ses long travaux. Dès le début, nous sentons que certains éléments trouveront réponse plus tard, chose qui sont généralement plus discrète avec Fujita. Ici, dès le début, nous sommes en proie à de nombreuses questions qui nous font comprendre que les réponses auront une dimension plus excessive qu’habituellement. Ce n’est clairement pas une mauvaise chose, et je pense même que, pour ce manga spécifiquement, c’est la meilleure introduction à offrir. Le mystère du manoir et le centre d’intérêt principal du manga, et l’accentuer dès le début par d’autres gros mystères à résoudre en parallèle nous donne beaucoup plus envie de continuer pour trouver les réponses. Personnellement, je trouve que le premier chapitre de Sou Bou Tei est le meilleur qu’ait pu proposer Kazuhiro Fujita. Il est haletant, magnifiquement dessiné, et nous fait comprendre que l’ampleur sera bien plus importante que ce que le synopsis veut nous faire croire.

Au milieu de tous ces mystères, les personnages ne sont pas là au hasard non plus. Chacun d’entre eux arrivera à offrir une manière différente de développer le récit. La menace n’étant pas réellement identifier au début du manga, chacun va devoir progresser et réfléchir au fil du récit pour apporter sa pierre dans le plan de destruction de ce manoir. Coutume pour ce mangaka également, les personnages ont plus d’une couche de personnalité/développement à offrir au cours du manga, que vous vous ferez un plaisir de découvrir tout au long des tomes ! Finalement, Sou Bou Tei est sûrement l’histoire où la couche principal de son fil rouge est le plus rapidement entamé, mais est également l’une des plus complexe à résoudre. Cette couche principale couvrant les 25 tomes complet du récit, il est difficile d’imaginer une histoire simple pouvant être résolu en peu de temps.

J’en viens donc au lien avec le fameux titre de cette partie : l’envers du décor. Aux premiers plans, Sou Bou Tei semble un simple manoir mystérieux, mais ça composition révèle en faites une partie énorme et insoupçonnée de matière à exploiter, faisant durer le récit sur de nombreux tomes, sans pour autant paraître forcé. Chaque levé de voile sur un mystère de ce manoir en rajoute un nouveau, semblant encore plus dense que le précédent. Nos personnages, prêt à affronter les mystères les plus inexplicables de la Terre, se retrouve plus d’une fois dépourvu face à ce que leur offre cette demeure. Sou Bou Tei, aux premiers abords, c’est la quête de destruction d’un lieu hanté, mais l’histoire va venir ajouter nuance et consistance à cette quête, qui n’était finalement que l’idée de départ du récit. L’idée qui fut soulever avant de connaître plus en profondeur ce manoir de l’étrange. Le mystère étant l’élément principal du récit, soyez sûr que les rebondissements seront à la hauteur de vos attentes !

Quand l’horreur rencontre le nekketsu

Un point important que j’évoquais dans la première partie et que je souhaite de nouveau traiter ici, c’est le mélange des styles que le mangaka nous offre. Kazuhiro Fujita nous a déjà offert par le passé nombres d’histoires aux allures horrifiques. Dans ses travaux longs, certains passages sont dérangeant, voir effrayant, mais rarement horrifique. Ce sentiment n’a jamais été une constance. On peut se rappellera des automates de Karakuri Circus terrifiants sur certains passages, mais l’horreur n’a jamais été au cœur du récit. Ici, pour Sou Bou Tei, l’horreur et la peur sont les matières premières de cette histoire. Non sans rappeler la Monster House de Gil Kenan, plusieurs types d’horreurs va nous être offert au cours du manga.
Déjà, une horreur visuelle ponctuellement présente. Des cases dérangeantes, des dessins effrayants et des mises en scène a coupé le souffle se retrouvent régulièrement dans l’histoire, offrant une première couche d’horreur. Ensuite, vient ce qu’on appelle l’horreur cosmique. Exprimé par les travaux de Lovecraft avec, entre autre, le légendaire Cthulhu, ce style d’horreur suggère que la galaxie fourmille de créature plus dangereuse de terrifiante que n’importe quel humain, remettant en contexte notre conditions insignifiantes d’être vivant au sein d’une galaxie aux luttes d’influences à l’échelle cosmique. Dans le récit, Sou Bou Tei nous fait nous demander plusieurs fois si ce manoir peut réellement être une création humaine, tant les mystères qui s’y trouve sont déconnecté de notre monde réel. Offrant un sentiment d’angoisse et une peur constante en cours des tomes, ce type d’horreur est brillamment utilisé. Est-ce qu’une impression donné par l’auteur, ou cette horreur cosmique trouve matériellement place dans le récit ? Vous seul pourrez le découvrir au fil de l’histoire !

Malgré tout, ce manga n’est pas un manga d’horreur. Celui-ci reste dans les sentiers connus du mangaka en étant un shonen nekketsu aux codes retravaillés par une horreur omniprésente. Nous retrouvons à l’intérieur tout ce qu’à fait les succès des précédents travaux du mangaka : une équipe de protagonistes, des affrontements aux portes du surnaturelle, un protagoniste principal d’abord dépassé par sa situation et qui va réussir à évoluer pour devenir la pierre angulaire du récit, et une menace aux multiples facettes, imperceptible au début de l’histoire. En plus de cela, ce manga se targue d’avoir un gros point commun avec Karakuri Circus, à savoir l’évolution d’un simple enfant tout au long du récit, devenant par moment le véritable protagoniste de cette histoire. Cette évolution est notamment causé par les interactions qu’aura ce jeune homme avec notre protagoniste principal, le faisant grandir tout du long. Assez déroutant au début tant le chara-design de Rokurou, l’enfant en question, est banal au possible, rappelant les meilleurs personnages tertiaires de vos récits préférés. Le contrepied entre la situation de base et la place qu’occupera Rokurou au sein du manga est réellement stupéfiante. Personnellement, j’avais du mal avec cette approche au début du manga, ne trouvant en Rokurou qu’un clone moins réussi que Masaru dans Karakuri Circus. Finalement, force est de constater qu’après avoir terminé Sou Bou Tei, j’ai adoré le fait de nous avoir offert un personnage aussi peu attendu au début du manga.

Bien entendu, Rokurou n’est qu’un nom parmi la masse d’excellent personnages que ce manga peut nous offrir. Tous respire les meilleurs codes du shonen, venant parfois offrir des propos plus matures, coïncidant ainsi avec l’aspect graphique du manga, également plus adulte que dans les shonen classique (notamment de part cette aspect horrifique des visuels). Il faut cependant garder à l’esprit que la peur est un sujet primordial du récit, tant dans sa narration que des ses visuels. Vous aurez l’occasion, au cours de votre lecture, d’expérimenter une facette profonde de l’être humain, en essayant de vaincre vos peurs en même temps que les personnages principaux. S’ils veulent pouvoir détruire Sou Bou Tei, ils vont devoir redoubler d’effort et vaincre leurs démons sommeillant au plus profond d’eux. Une facette très touchante et bien traité tout le long du récit !

Conclusion

En quête de shonen plus mature au ton unique en son genre, Sou Bou Tei est une œuvre faite pour vous. Une véritable réussite narratives, aux personnages fabuleux et avec un dessin au sommet de son art, ce manga saura dépasser vos attentes autant qu’il dépasse le cadre du simple shonen atypique. Sou Bou Tei est un chef d’œuvre à lire, puis relire sans modération ! De par sa profondeur narrative et ses multiples indices implicite en début de récit, c’est un manga qui trouvera une encore meilleur place dans vos cœurs une fois celui-ci lu plus d’une fois !

En France, vous pouvez retrouver les manga chez les éditions Mangetsu, avec la sortie du tome 1 ce 13 mars 2024, pour un grand format à moins de 10€. De quoi offrir un rapport qualité/prix à la hauteur de cette œuvre d’exception !

À bientôt pour de nouveaux articles !

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